Directeur général et artistique de Magnitude6

Le tubiste Samuel Lalande-Markon est directeur artistique et général du quintette de cuivres avec batterie Magnitude6 depuis 2007. À ce titre, il a réalisé une quinzaine de productions, créé plus de trente œuvres canadiennes et collaboré avec plusieurs organismes en musique nouvelle tel que la Société de musique contemporaine du Québec.

Comme musicien surnuméraire, Samuel a joué auprès de la plupart des grands ensembles de la région de Montréal incluant l’Orchestre symphonique de Montréal, l’Orchestre des Grands Ballets Canadiens et le Nouvel Ensemble moderne. Depuis quelques saisons, il joue régulièrement à l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières.

Très actif sur la scène musicale jeunesse, il a présenté une centaine de représentations au sein de la production Pierre et le loup des Jeunesses musicales Canada et du duo TNT - Trompette ‘N’ Tuba qu’il forme avec le trompettiste Frédéric Demers.

En complément à ses activités comme interprète, Samuel s’implique comme gestionnaire culturel spécialisé en communication et en marketing. Il a travaillé au sein de la compagnie Sacré Tympan et il occupe le poste responsable des communications à l’ensemble de musique ancienne Les Boréades de Montréal dirigé par Francis Colpron depuis 2014. Samuel est également designer web et a réalisé des sites pour plusieurs organismes musicaux québécois. Il contribue au développement de la communauté musicale à titre de membre du conseil d’administration du Vivier et du Conseil québécois de la musique.

Samuel est diplômé en interprétation de Mannes College The New School for Music à New York et de l’Université de Montréal. Il a également obtenu un DESS en gestion d’organismes culturels à HEC Montréal. Samuel a été boursier de chacune des institutions où il a étudié et s’est mérité le soutien du Conseil des arts de Canada, de la Fondation Paul-Merkelo, de LOJIQ et de la Fondation Desjardins.

Parallèlement à ses activités musicales, Samuel réalise depuis 2011 des expéditions d’envergure. Il a roulé un peu partout en Amérique du nord, pratiqué l’escalade sur de hauts sommets dans l’Ouest des États-Unis et du Canada, en Équateur et dans les Alpes, et traversé le Québec de Montréal à Kuujjuaq à vélo et en canot. Il travaille présentement à l’écriture d’un premier livre.

Questions et réponses
Dans quelle ville habitez-vous ?
Montréal, quartier Rosemont
Quelle est votre principale activité musicale professionnelle actuellement ?
Cela varie grandement à chaque mois. Mais chacune des activités suivantes peut devenir la principale : interprétation, gestion culturelle, communications.
En plus de votre activité principale, dans quelles autres activités musicales êtes-vous actuellement impliqué(e) ?
Je fais également du design web pour des organismes musicaux.
Dans quelles autres activités musicales avez-vous été impliqué(e) dans le passé, et dans lesquelles vous ne l’êtes plus ?
J’ai pratiqué l’enseignement sur une base régulière pendant quelques années avant de délaisser graduellement cette activité. Je donne encore ponctuellement des cours privés et des cours de groupe.
Où avez-vous fait vos études musicales ?
J’ai complété un double DEC en sciences humaines et musique au Collège Marie-Victorin. J’ai ensuite fait un BAC en interprétation à l’Université de Montréal et un PDPL (diplôme d’artiste) à Mannes College The New School for music à New York. Par la suite, je suis revenu à l’Université de Montréal pour une année d’études doctorales en musicologie avant de suivre le programme de gestion d’organismes culturels à HEC Montréal.
Qui ont été vos professeurs les plus importants ou significatifs, et qu’est-ce qui les rendait importants pour vous ?
Mes professeurs d’instrument (Nicolas Martin, Yan Sallafranque et Alan Baer) ont occupé la place centrale dans mon cheminement comme interprète.

Mon professeur d’instrument au secondaire, Simon Lamothe-Falardeau, ainsi que le directeur du programme de musique, Marc Deschamps, ont allumé l’étincelle qui m’a donné envie de poursuivre mes études en musique.

Gilbert Patenaude, à la maîtrise des Petit-Chanteurs du Mont-Royal, m’a inculqué une discipline et une rigueur qui m’ont servies dans mon apprentissage de la musique et dans d’autres sphères de ma vie.

Mes professeurs de littérature musicale et d’histoire de la musique Yves-G. Préfontaine, Michel Duchesneau et François De Médicis m’ont introduit à un monde de connaissances et une pensée musicologique qui m’ont toujours suivis.

Robert Leroux, avec son cours le Métier du musicien à l’Université de Montréal, m’a fait prendre conscience qu’il n’y avait pas « un » mais « des » métiers du musicien.

Nicolas Martin, encore, mon professeur d’instrument au Cégep, m’a appris « à en prendre et à en laisser » et à suivre mes instincts musicaux et dans la vie. C’est un peu en suivant son modèle que j’ai développé une carrière hybride et hors-norme par la suite.

Mention spéciale à Frédéric Demers, un autre professeur au secondaire, qui est devenu plus tard un collègue et ami, et avec qui je partage le mode de vie de « musicien-entrepreneur ».
Quels musiciens admirez-vous particulièrement, et pourquoi ?
J’ai une admiration pour les musiciens qui ont une pratique entièrement dévouée à leur instrument. Ça m’a pris du temps pour comprendre que ce n’était pas pour moi, alors j’apprécie d’autant plus que des gens le fassent à ma place!

Les musiciens et directeurs artistiques qui gèrent des organismes m’inspirent particulièrement. J’ai la chance de travailler régulièrement avec Pierre Labbé de Sacré Tympan et Francis Colpron des Boréades de Montréal qui réussissent année après année à réaliser de grandes choses.

J’admire aussi les travailleurs culturels qui œuvrent dans l’ombre et qui pourtant sont essentiels au milieu de la musique.
Avez-vous déjà vécu une affection physique (maladie ou accident) qui a affecté votre habileté à faire de la musique ? Si oui, comment y avez-vous réagi dans votre parcours professionnel ?
J’ai développé des difficultés à jouer mon instrument quelques années après la fin de mes études. J’enchainais les projets et les engagements en n’ayant plus les habitudes de pratique que j’avais à l’école. J’étais à la fin de la vingtaine et je me posais beaucoup de questions sur mon avenir personnel et professionnel. J’ai commencé à éprouver des tremblements en jouant ainsi que des symptômes s’apparentant à la dystonie. Je suis entré dans un cercle vicieux d’anxiété qui m’a également affligé de problèmes physique, des maux de dos notamment.

J’ai essayé de régler mes problèmes, seul, avec le peu d’outils que j’avais. J’ai repris mes routines de l’école, mais ça n’a fait qu’empirer. À un moment, j’ai accepté de lâcher prise et j’ai essayé de nouvelles manières de jouer. Le processus m’a pris du temps mais éventuellement j’ai retrouvé de bonnes sensations. Je me suis adapté et j’ai pu contourner le problème. Je dis bien « contourner » car la solution ne passait pas par une approche frontale, mais bien de manière créative et intuitive.

Parallèlement, je me suis construit une carrière qui me permettait de pallier aux contrats que je devais refuser. J’ai toujours aimé faire plusieurs choses et je me suis rendu compte que pour moi c’était essentiel de pouvoir déposer mon instrument occasionnellement pour explorer d’autres horizons. Au final, je trouve que le travail culturel a énormément enrichi ma pratique musicale, et vice versa.
Pouvez-vous identifier un âge ou une période de votre vie où vous avez décidé de vous diriger en musique ?
Ce n’est plus trop clair à quel moment le déclic est arrivé… La musique est centrale dans ma vie depuis que je suis tout petit et j’ai toujours eu l’impression qu’il en serait ainsi. Au secondaire, j’ai commencé à apprendre le tuba totalement par accident… Mais je suis tombé en amour avec le son! Et j’aimais jouer un instrument rare et méconnu. J’ai eu envie de poursuivre mes études au Cégep et alors j’ai eu la confirmation
Pouvez-vous identifier un événement précis qui vous aurait fait décider de vous diriger en musique ?
Au secondaire, j’adorais participer à des camps musicaux l’été. Vivre autour de la musique, il me semblait que c’était le rêve! Et en plus, je me retrouvais parfaitement dans la gang des musiciens. Plus tard, au Cégep, j’ai fait un premier séjour d’une semaine au Domaine Forget et je me suis retrouvé dans une classe d’une vingtaine de tubistes. J’étais totalement intimidé! Mais ça m’a finalement motivé et quand je suis revenu à l’école l’automne d’après je me suis enfermé dans mon local de pratique pour n’en ressortir que de nombreuses années après…
Quel est le principal défi que vous avez rencontré dans votre carrière et comment l’avez-vous relevé ?
À l’école, on n’apprend pas à jouer à l’oreille. Le processus est beaucoup plus intellectualisé et on apprend à tout contrôler, à devenir de bons exécutants. Le milieu de la musique fonctionne aussi de cette façon, mais le grand défi est justement d’apprendre à ressentir et à écouter… à laisser aller!

Cela est d’autant plus vrai pour la gestion d’une carrière de musicien qui n’a rien de linéaire. À moins de gagner un poste dans un grand orchestre (et encore) la réalité du quotidien demande beaucoup de capacité d’adaptation. Là aussi, il faut apprendre à « jouer à l’oreille ».

Vivre avec l’incertitude… c’est le grand défi! Il faut accepter de ne pas être à notre meilleur tout le temps, de « craquer » des notes, comme il faut accepter les réponses de demandes de subventions négatives, les contrats qui va et qui viennent, le jugement des autres.

Maintenant, c’est ma plus grande force de pouvoir gérer cette incertitude. Je dirais même que j’adore ça! Quand on se libère de l’effort à trop vouloir contrôler, on gagne plein d’énergie qui peut être utilisée ailleurs dans nos vies. Et c’est ce qui est formidable d’une carrière en musique : la liberté totale, la créativité, l’exploration. Ce n’est pas un hasard si je me retrouve beaucoup aujourd’hui dans les projets d’aventures. Ça m’a pris du temps faire le lien, mais je trouve qu’il y a plein de parallèles avec ma carrière de musicien.
À votre avis, quelles sont les 3 compétences non musicales les plus essentielles au succès d’une carrière en arts ?
Écoute. Flexibilité. Détermination.
Qu’est-ce qui vous motive à persévérer ?
Après toutes ces années à me questionner, je peux enfin apprécier d’être parvenu à un équilibre. Les avantages du métier de musicien / travailleur autonome compensent largement les inconvénients. J’apprécie la liberté que cette vie me donne.
Quel est le besoin le plus criant du milieu actuellement, et comment aimeriez-vous y remédier ?
Tout le monde s’entend pour dire que le financement gouvernemental doit être augmenté. Il y a aussi une problématique du renouvellement de public qui doit être plus sérieusement réfléchie. Le temps est venu pour le milieu de se regarder et se demander s’il n’y a pas moyen de faire différemment les choses… et cela veut peut-être dire transformer l’offre musicale. Et pas seulement « l’enrobage », mais l’objet artistique en tant que tel.

Aussi, le métier de musicien est de plus en plus appelé se transformer. L’écosystème se transforme, les programmes de subventions évoluent rapidement, et pas toujours en faveur des artistes. Il faut permettre aux étudiants d’acquérir dès le Cégep des compétences qui leur permettront de bâtir une carrière à leur image. Il y a trop de musicien malheureux qui sortent de l’école. La musique, c’est pluriel. Ça doit ouvrir des portes, pas en fermer.
Si vous aviez un seul conseil à donner à un aspirant musicien, quel serait-il ?
Il n’y a pas que la musique dans la vie.