Compositrice, pianiste, improvisatrice, enseignante

Énergique et passionnée, Marianne Trudel poursuit une carrière des plus actives donnant autant des récitals en solo qu’en ensembles. Pianiste, compositrice, improvisatrice, et arrangeure, elle a présenté sa musique dans nombreux pays : Canada, États-Unis, Mexique, France, Espagne, Allemagne, Angleterre, Écosse, Italie, Hongrie, Pays-Bas, Chine. Sa musique, à la fois lyrique, surprenante, et poétique, témoigne de son regard ouvert sur l’univers infini de la musique.  Elle possède sept enregistrements en tant que leader, ayant tous récolté des critiques élogieuses dont : La vie commence ici-Quintette Marianne Trudel (nomination aux Prix JUNOS et à l’ADISQ) et TRIFOLIA- le Refuge (récipiendaire du Prix Opus- Disque jazz de l’année 2014 et nominé aux Prix JUNOS).

En plus de nombreux stages de perfectionnement au Canada et à l’étranger, le parcours académique de Marianne Trudel comprend une formation en piano classique (Conservatoire de musique de Québec), un D.E.C en piano classique (Cégep de Sainte-Foy), un D.E.C. Technique en arrangement jazz (Cégep de Saint-Laurent), un Baccalauréat en jazz (McGill), une Maîtrise en ethnomusicologie (Université de Montréal) et des études doctorales en composition (Université de Montréal).

Parmi les figures internationales avec qui elle a partagé la scène, mentionnons entre autres : Chucho Valdes, Charles Aznavour, Mark Feldman, Tony Malaby, Ingrid Jensen, Kenny Wheeler, John Hollenbeck, l’Orchestre Symphonique de Montréal, les Violons du Roy, l’Orchestre symphonique de Québec. Elle a composé et arrangé pour plusieurs ensembles et orchestres dont les Violons du Roy, l’Orchestre national de jazz de Montréal, l’American Composers Orchestra (New York), le Henri Mancini Institute Orchestra (Los Angeles) et l’ensemble OktoEcho (Montréal).  

Marianne Trudel enseigne présentement à l’Université McGill (Schulich School of Music) et au Cégep de Saint-Laurent.

Marianne Trudel

Photo: Michel Pinault

Questions et réponses
Dans quelle ville habitez-vous ?
Montréal
Quelle est votre principale activité musicale professionnelle actuellement ?
Compositrice, pianiste, improvisatrice, enseignante
En plus de votre activité principale, dans quelles autres activités, musicales ou non, êtes-vous actuellement impliqué(e) ?
Toute carrière en tant que leader demande de passer un temps considérable en administration : organisation, communication, démarchage (booking), gestion, comptabilité, etc… Malheureusement, c’est une grande part du temps qui y est alloué.
Dans quelles autres activités musicales avez-vous été impliqué(e) dans le passé, et dans lesquelles vous ne l’êtes plus ?
J’ai dû interrompre mon doctorat en composition…trop occupée …peut-être pas la meilleure chose à dire mais c’est la vérité… J’aimerais le finir un jour..Sinon, pour le reste, je persiste et signe depuis plus de 20 ans
Où avez-vous fait vos études musicales ?
J’ai débuté en piano classique à l’âge de 5 ans, au Couvent de Lévis.
Études privées ensuite jusqu’à l’âge de 13 ans.
Puis, Conservatoire de musique de Québec, Cégep de Sainte-Foy (classique), Cégep de Saint-Laurent (arrangement jazz), Université McGill (jBacc. en interprétation du jazz), Université de Montréal (Maîtrise en Ethnomusicologie et études doctorales en composition). J’ai également fait plusieurs stages professionnels ici et à l’étranger.
Qui ont été vos professeurs les plus importants ou significatifs, et qu’est-ce qui les rendait importants pour vous ?
Il y en a plusieurs et c’est difficile d’en nommer que quelques-uns. Très certainement, mon professeur lorsque j’étais enfant, Lorraine Boutin : elle a cru en moi. C’est important. Puis, Michèle Royer en piano classique, au Cégep de Sainte-Foy : elle était si passionnée, à la fois exigeante, rigoureuse et aimante. Elle m’a amenée à me dépasser constamment. C’était très stimulant. Marie-Thérèse Lefebvre également (musicologie, Université de Montréal): une femme passionnée, passionnante, savante et avec un bon sens de l’humour ! Toutes trois ont alimenté mon amour du travail et de la musique.
Quelles personnes admirez-vous particulièrement, et pourquoi ?
J’admire les gens qui sont passionnés et qui savent perdurer dans le temps, avec la même soif et une capacité d’émerveillement. Dans ce sens, je nommerais Muhal Richard Abrams, pianiste et compositeur afro-américain, cofondateur de l’AACM (Association for the Advancement of Creative Musicians : fondée en 1965 à Chicago) que j’ai eu le privilège de côtoyer à quelques reprises est qui est devenu une sorte de mentor. Je l’avais d’abord rencontré lors d’un stage de perfectionnement au Banff Centre for the Arts, puis, à nouveau dans le cadre de mes recherches pour ma Maîtrise en Ethnomusicologie. Sa passion pour la création était infinie et il a su garder tout au long de sa vie cet éclat dans les yeux lorsqu’il parlait de musique…. Il est décédé il y a 2 ans à l’âge de 87 ans, et jouait encore du piano chaque jour… Il avait une vision très inclusive de la musique (en dehors des barrières stylistiques) et cette vision résonnait en moi qui n’ai jamais aimé les étiquettes et les « boîtes » (jazz, classique, contemporain, etc..)… Pour moi la musique est UNE. À la fois multiple, inclusive, décloisonnée et infinie. Bien sûr, je pourrais nommer plusieurs autres personnes. J’aime les passeurs : ceux qui savent allumer des feux chez les autres.
Avez-vous déjà vécu une affection physique (maladie ou accident) qui a affecté votre habileté à faire de la musique ? Si oui, comment y avez-vous réagi dans votre parcours professionnel ?
Oui, ce fût très difficile et ce l’est toujours, dans une moindre mesure. Cela apporte tout un lot de frustrations. C’est la notion de « limites » qui est difficile à accepter surtout lorsqu’on a passé une grande partie de sa vie à repousser les limites et les dépasser.
Puis, avec le temps, arrive une certaine résilience. Le corps du musicien fait partie de l’instrument. On s’adapte du mieux qu’on peut.
Pouvez-vous identifier un âge ou une période de votre vie où vous avez décidé de vous diriger en musique ?
Oui: mon premier cours de piano à l’âge de 5 ans ! (Vraiment !). Apparemment, je suis revenue à la maison en disant à ma mère que j’allais devenir pianiste. Je n’ai jamais douté de ce chemin. J’étais habitée par la musique et amoureuse du piano dès le début.
Je composais de petites mélodies et c’était une sensation merveilleuse où je me perdais allégrement dans l’univers des sons… J’en voulais toujours plus !
Pouvez-vous identifier un événement précis qui vous aurait fait décider de vous diriger en musique ?
À l’âge de 3, 4 ans, je me faisais garder chez une dame de mon village qui avait une piano droit dans le salon et jouait dans les « soirées de musique canadienne ». Elle ne savait pas lire la musique, elle jouait par oreille…Et elle jouait si bien ! Elle faisait « swinguer » le piano, elle avait un super sens du rythme ! Alors, parfois entre 2 brassées de lavage et la cuisine (elle avait 4 enfants en plus de me garder ma sœur et moi), elle allait s’asseoir au piano et jouait quelques morceaux. Et à chaque fois, je ressentais une explosion de joie ! C’était magique. Je dansais autour du piano et j’étais si bien. C’est ainsi que j’ai demandé à l’âge de 5 ans d’apprendre le piano…La musique pour moi était la plus belle chose du monde…Je lui dois beaucoup à cette dame (et à la musique !)
Si vous avez bifurqué de votre activité musicale originelle pour une autre, même extérieure à la musique, quelles sont les circonstances qui vous ont amené à faire ce changement ?
Je n’ai jamais bifurqué de la musique. Cependant, mon chemin a visité différents « mondes » de la musique : début en musique classique, puis bifurcation vers le jazz afin d’explorer davantage l’improvisation et la composition, puis bifurcation vers l’ethnomusicologie pour entre autres assouvir ma curiosité intellectuelle et mon intérêt pour les « musiques du monde »…Le moteur était toujours une grande soif pour la musique : l’aborder sous différents aspects, en explorer différentes dimensions.
Quel est le principal défi que vous avez rencontré dans votre carrière et comment l’avez-vous relevé ?
Le plus grand défi d’une certaine façon, j’ai l’impression de lui faire face présentement. Bien sûr au tout début d’une carrière, il peut sembler difficile de faire sa place, de trouver sa voie…Mais c’est une période qui était très passionnante et stimulante. Maintenant, presque 20 ans plus tard, le défi que je rencontre me semble encore plus grand : comment conjuguer l’enseignement à temps plein, la création et les multiples tâches administratives nécessaires à ce type de carrière (production, « booking », etc…) Les journées ne sont pas assez longues pour tout accomplir ! Alors, on ne dort pas assez, notre santé en mange un coup et cela a des conséquences bien entendu. Un des problèmes ici c’est le manque de ressources et de structures. On doit souvent porter tous les chapeaux car les budgets sont tellement petits que nous ne pouvons engager de personnel. Il est difficile de trouver un équilibre dans tout cela.
À votre avis, quelles sont les 3 compétences non musicales les plus essentielles au succès d’une carrière en arts ?
La persévérance, la passion, l’engagement.
Qu’est-ce qui vous motive à persévérer ?
L’amour de la musique et de ce qu’elle apporte au monde. À travers mes projets, qui comportent toujours une certaine part d’improvisation musicale, se trouve toujours la « rencontre » : celle entre les musiciens et celle avec le public. De véritables rencontres qui à travers le son, nous transforment et nous rendent de meilleurs êtres humains. C’est ce que je souhaite encore et toujours.
Quel est le besoin le plus criant du milieu actuellement, et comment aimeriez-vous y remédier ?
Un obstacle de taille auquel les musiques instrumentales de création font face est le manque de vitrines, le manque de visibilité (sans compter bien sûr le sous-financement). Au Québec, l’espace médiatique est en très grande majorité occupé par la chanson et dans une moindre mesure la musique classique mais il ne reste que des petites miettes pour le « jazz instrumental de création » par exemple… Des projets de très haut calibre, de niveau international, restent donc dans l’ombre et ont une durée de vie extrêmement courte tout simplement car ils ne peuvent compter sur aucune plate-forme de diffusion, ni de support des médias ni de support des diffuseurs. C’est à la fois très triste et grave car cela affecte la vitalité du milieu et de la création. Au Québec, c’est en grande partie les spectacles d’humour, de variété, la chanson, le théâtre, la musique classique qui profitent d’une place au soleil mais…très peu les musiques de création qui y sont valorisées.
Si vous aviez un seul conseil à donner à un aspirant musicien, quel serait-il ?
De toujours avoir à cœur le partage et le don de soi.