Loco Locass, Karkwa, Les Breastfeeders, Les Cowboys Fringants, Alex Nevsky, Bernard Adamus, Karim Ouellet, David Marin, Canailles, Philémon Chante, Les sœurs Boulay, Dead Obies, Les Hay Babies, Philippe Brach (et j'en passe!) ont fait leurs premières armes dans l'industrie de la musique en se faisant remarquer aux Francouvertes.

Photo de Alexander Popov sur Unsplash
Note: ce billet a d'abord été publié sur le site metier-musicien.org le 19 novembre 2014. Reproduit avec la permission de l'auteur.
Depuis 1995, le concours-vitrine favorise l’émergence d’artistes et de groupes de tous les genres musicaux. Parmi les 21 formations sélectionnées chaque année, les prix remis se traduisent en heures de studio, en soutien et outils promotionnels, en spectacles rémunérés chez des diffuseurs reconnus, en prestations dans le cadre d’événements majeurs, en mentorat et en bourses. Les Francouvertes ont permis de faire découvrir de nombreux artistes : certains réussissent en effet à se tailler une place dans le paysage musical québécois.
Les inscriptions des Francouvertes se terminaient le 9 novembre. Encore cette année, des centaines de candidats ont dû soumettre leur dossier pour la somme de 80.00$. Ils entrent dans la course désireux de se faire découvrir du grand public et des médias, mais aussi d’établir des contacts professionnels. Friands de nouveautés, ils se trouvent aux premières loges pour éplucher les artistes de la relève qui captent l'espace musicale et, bientôt, animeront les scènes d'ici et d'ailleurs. En tant que gérante du Winston Band, j'ai longuement mijoté là-dessus. Après tout, ça met sur la map! C'est un tremplin important qui place les dés; les bouchées doubles sont enclenchées pour propulser des carrières.
De fil en aiguille, je me suis informée, j'ai écouté l'épisode 7 « Les concours : un tremplin?» de la série web Arrière-scène diffusée TFO et je suis tombée sur l'article « Stéphanie Lapointe: retour sur Star Académie » de Marc Cassivi paru dans La Presse. Certains aspects ont été mis sur la table.
Projetés sous les feux de la rampe
Tous et toutes s'entendent pour dire que les concours sont une occasion en or pour opérer en mode réseautage. Les rencontres prometteuses sont à portée de main étant donné que les gens de l'industrie se fondent au public présent aux spectacles. Ils attroupent des représentants(es) de compagnies de disque, des médias, des gérants(es) d'artistes, bref, des professionnels qui sont au rendez-vous. Certains artistes se taillent rapidement une place au sein de l'industrie musicale québécoise grâce à ces rencontres. Les concours et la soif de découvertes musicales qui les entourent peuvent devenir un point tournant dans la carrière d'un artiste. Pensons à Loco Locass qui s'est fait remarquer par la maison de disques Audiogram aux Francouvertes, au Hay Babies, gagnantes de la 17e édition des Francouvertes, qui ont récemment été nominées au Gala de l'ADISQ dans les catégories « Révélation de l'année » et « Album de l'année - folk » ou à Bernard Adamus qui a été nommé en 2010 pour le Prix Félix-Leclerc aux FrancoFolies de Montréal et gagnant la même année du concours Les Francouvertes. Il s'agit là d'exemples qui confirment qu'un concours en a fait sortir de l'ombre avec toute la visibilité qu'il provoque. C'est un moyen de monter d'un cran et de passer à une autre étape de sa carrière. Que tu le remportes ou pas, le concours est une expérience de scène qui en dit long sur les bases du métier vu qu'il s'inscrit dans une perspective professionnelle.
L'envers du décor
Histoire de devenir la prochaine perle rare de la scène locale, les concours font courir les artistes. L'élan qu'ils donnent permet hors de tout doute d'accéder à la cour des grands. Bien que j'applaudisse ces vitrines à l'effet de ricochet, la formule concours n'est pas pour autant une valeur sûre. Mes questionnements vont dans plusieurs directions, mais là où mes doutes s'arrêtent, c'est spécifiquement dans le déroulement du concours.
Je vois les concours comme des raccourcis. Dans un court laps de temps, la roue est embrayée, et les effets dégringolent en un tour de main. L'envergure qu'une carrière peut prendre demande une certaine préparation, un soutien qui augure la suite des choses. Être propulsé aussi rapidement, je me demande quel effet ça peut avoir sur un parcours musical. Les développements se bousculent, les cartes sont jouées. Est-ce que c'est positif qu'un projet musical évolue aussi rapidement? Est-ce psychologiquement endurable d'être engagé corps et âme dans une carrière qui en est à ses débuts?Autour des concours, il y a ce buzz et la pression qui vient avec. Un concours aussi reconnu que Les Francouvertes assure quasiment la crédibilité artistique des gagnants. Ceci dit, le développement de la maturité personnelle et de l'individu doivent suivre le fil. Cette propulsion dans l'industrie soutient-elle une place appuyée par des bases solides? Si jamais ça tombe, ça tombe de haut, et il faut être mentalement capable de remonter la pente.
Les artistes se tiennent devant un jury formé de membres de l'industrie musicale qui évaluent leur prestation. Lors des soirées des Francouvertes, en 30 minutes, ils présentent leurs compositions originales afin de séduire et convaincre le public et le jury qui se partagent le vote. S'ils craquent, c'est leur réputation et même leur nom qui peuvent y passer. Devant cette réunion d'experts, la première impression y est pour beaucoup tout comme la présence sur scène. Est-ce qu'on peut juger objectivement d'une démarche artistique dans le feu de l'action? Quels sont les outils de comparaison qui justifient que différents créneaux artistiques soient mis en parallèle? Le potentiel commercial de l'artiste fait fort probablement partie des critères de sélection. Dès les préliminaires, j'imagine que certains sont donc exclus de la course vu qu'ils ne correspondent pas aux goûts du plus grand nombre. Est-ce que ça contribue à garder en marge les artistes qui ne représentent pas ce potentiel commercial?
Revenons au public. Aux Francouvertes, celui-ci représente 50% des voix de vote. Le jugement des artistes est donc partiellement mis entre les main d'un public en constante rotation, un public entre autres formé de « monsieurs et madames tout le monde » et de l'entourage des participants. Considérant l'importante part de responsabilité qu'ils assument, je me questionne quant aux impacts de leurs interventions. Leurs critères d'appréciation rendent-ils justice au contenu musical ? Pour approfondir une réflexion, je crois en la nécessité de mettre de côté nos goûts personnels préalablement déterminés. C'est une tâche qui demande de sortir de soi-même et de sa zone de confort pour porter un regard critique sur les performances musicales. De mon point de vue, il faut disposer de certaines ressources pour faire preuve de neutralité clairvoyante. Ce public a-t-il les compétences et les connaissances requises pour juger objectivement et professionnellement des artistes? Ultimement, on pourrait se demander si le vote du public n'agit pas également comme un échantillonnage de l'opinion public qui donne une idée sur l'éventuelle commercialisation de l'artiste.
Malgré toute la reconnaissance que j'éprouve à l'égard des Francouvertes, cette période d'inscription a soulevé une série de questions. Entendons-nous, loin de pointer du doigt les Francouvertes, mes réflexions portent plutôt sur la participation des artistes à des concours de façon générale. Est-ce que l'attention qui gravite autour des concours en fait un passage inévitable pour mettre au monde une carrière et appartenir au décor musical québécois?
Ces questions, ces ébauches et ces pensées sont le fruit de mes réflexions à ce jour. Au plaisir de savoir ce que vous en pensez!
Voici les sources qui m'ont inspirée :
http://www.ledevoir.com/culture/musique/408152/philippe-brach-remporte-l...
http://arriere-scene.tv//les-concours-un-tremplin/
http://www.lapresse.ca/arts/musique/201411/08/01-4817100-stephanie-lapoi...
http://francouvertes.com/a-propos-des-francouvertes/
Commentaires
Ne pas mettre tous les concours dans le même panier
La première fois que j'ai eu l'occasion de jouer sur une vraie scène, c'était dans le cadre d'un concours, et je crois qu'il faut faire attention de différencier les bons concours des mauvais.
Celui auquel j'ai participé obligeait chaque groupe à vendre un minimum de 20 billets à 20$. Chaque groupe jouait environ 20 minutes, il devait y avoir environ une vingtaine de groupe et les gagnants, élus par la publique, courraient la chance de passer à la prochaine étape. Ce genre de concours est vraiment plus un concours de celui qui a le plus d'amis plutôt que celui du meilleur groupe et je crois qu'il faut éviter ce genre de concours.