Le syndrôme de l'Imposteur

Cette capsule est très intéressante pour comprendre les pensées de ceux qui ne cessent de se vanter d'être chanceux ou d'avoir toujours été le/la meilleur(e) sans reconnaître leur talent pour ce qu'il en est. Pour ma part, je ne suis pas de ceux et celles qui justifient leurs succès par la chance, l'alignement des étoiles et tout ce tralala. Je suis plutôt du genre à remercier mes professeurs de m'avoir donné tous les outils nécessaires à l'atteinte de ce succès et à remercier ceux et celles qui y ont contribué avec moi, par exemple le pianiste accompagnateur lors d'un récital solo ou les autres musiciens de l'ensemble ou orchestre après une sublime prestation. Je suis capable de reconnaître que chacun a son propre parcours, ses propres embûches, ses propres réussites, ses propres échecs et son propre talent, mais je suis aussi capable de reconnaître le fruit d'un travail collectif la taille de ce collectif. Lorsque j'ai découvert la musique, on me disait que j'avais du talent, que j'étais bénie de Dieu, mais jamais on ne m'a fait remarquer les efforts que j'ai mis et le nombre d'heures passées à pratiquer, voire même détester, mon répertoire. Plus j'avançais dans ma formation académique et artistique, plus je croyais que c'était normal de pratiquer plusieurs heures par jour les mêmes choses en boucle et de les retourner dans tous les sens pour être capable de les jouer en concert à la perfection, mais jamais je n'avais compris pourquoi je réussissais aussi bien. Cela a été ainsi jusqu'à ce que je commence les études supérieures, et que je suive mes premiers cours privés avec un professeur pour qui la technique primait sur le répertoire, et pour qui le répertoire est quelque chose qui sert à mettre en pratique la technique et qui ne requiert pas des heures à apprendre. Ce professeur m'a fait réaliser à quel point il faut travailler fort pour espérer le succès et qu'il ne faut jamais sous-estimer ses capacités. Il ne faut pas non plus s'asseoir sur notre talent et espérer que ce sera suffisant pour atteindre le succès recherché. Ce même professeur m'a souvent dit : « Je te donne tous les outils nécessaires pour que tu puisses réussir, maintenant mets-y les efforts nécessaires et tu me remercieras de t'avoir montré le bon chemin. »

Le syndrome de l'imposteur! Je ne savais pas que le sentiment d'infériorité avec lequel la grande majorité des artistes se battent possédait un nom. Je crois qu'un des défis que la plupart d'entre nous devons relever est d'avoir un regard objectif et juste de notre travail. Oui, être arrogant et se trouver meilleur que que tout le monde est une attitude à éviter, mais d'un autre côté, la constante remise en question de notre personne n'est pas mieux. Il faut une saine balance. Nous devons arriver à faire confiance à l'éthique de travail à laquelle nous nous soumettons. Le fait que nous ayons atteint un certain niveau de succès est la preuve que quelque part, nous avons mis les efforts requis. La stratégie nous proposant de citer les raisons pour laquelle nous avons atteint un certain niveau de succès est selon moi ingéneuse. Elle nous aidera à atteindre une sobriété de jugement face à notre travail artistique.

Cette vidéo fort intéressante me rappelle un concept qui me semble complémentaire au contenu présenté, celui du "Dunning-Kruger effect". Ce syndrome identifié par les psychologues David Dunning et Justin Kruger en 1999 énonce, de façon simplifiée, que les individus "incompétents" surestimeront leurs habiletés. Ces individus, faute de regard global sur les possibilités ou l'ampleur d'un défi, se croient faussement être des experts. Je perçois (en quelque sorte) ce phénomène chez moi lorsque j'apprends du nouveau répertoire et je m'estime à un bon niveau, avant de réaliser quelques semaines plus tard à quel point il me reste du chemin à parcourir! Plus nos sens sont à l'affût, plus on a une vue globale du monde de la musique, plus on est conscient des possibilités, alors plus on se sent dépassé par le défi. Mais ce sont tous des éléments nécessaires au succès et au développement de l'artiste en soi. Alors bien évidemment, le syndrome de l'imposteur peut avoir des conséquences dévastatrice sur un musicien, mais bien canalisée, cette perception du monde en est une de progrès et de développement personnel. Suffit d'un juste milieu!

Une vidéo qui nous apprend à "aimer perdre", qui reflète l'un des problèmes que plusieurs jeunes artistes ont lorsqu'ils commencent à produire lors de leurs débuts : le souci d'être parfait. Cette vidéo m'as appris à accepter le fait que tout ne peut pas être parfait mais qu'on peut aspirer à tendre vers ce qui paraît parfait à nos yeux s'il l'on donne du temps pour y parvenir.

Il me semble que le sentiment de ne pas être suffisant ou complet est inhérent à notre condition. Les premiers philosophes comme que les premiers récits religieux sont essentiellement tous orientés autour de cette question. Ce vidéo s'adresse à nous dans un contexte où la notion de valeur que l'on se permet de s'attribuer est conditionnelle à la qualité de ce que l'on produit artistiquement. Dans cette optique, il est juste d'affirmer que l'on a tous déjà ressenti ce ''syndrome''. Il est sain de rester prudent en prenant du recul face à ce que l'on crée et de ne pas glisser dans le fatalisme et l'apathie. Il serait d'autre part pertinent d'étudier les liens entre les notions de valeur, le concept de productivité, les problématiques d'estime et le modèle socio-économique qui les englobent.